Turkey Spring 2023 (FR)

J'étais venu à Istanbul deux fois précédemment , un voyage en couple dans les années 90 et puis plus tard retour d'Azerbaïdjan , expulsé par les autorités , pour possession de visa du Haut Karabakh sur mon passeport.

J'y démarre mon tour du monde en moto , vers l'Europe , par l'est.

Initialement , je voulais un trajet plus au nord qui m'aurait amené à traverser toute la Russie jusqu'à l'extrémité orientale , Sibérie puis Vladivostok , mais guerre oblige , je commence plus sud et la Russie , on verra plus tard ; je continue d'espérer Irkoutsk , Lac Baïkal , Kamtchatka...

J'ai une grande affection pour ce pays , ses paysages , ce peuple , son histoire et sa culture et notre proximité.

La moto est arrivée en camion depuis Stains , nord de Paris.
Elle est là , impeccable , dans un grand parking près de l'aéroport Atatürk où sont dédouanés tous les véhicules d'importation entre des Porsche et de belles américaines.
Administration et transitaire efficaces , elle part en ville sur un camion plateau car la batterie est à plat , en France déjà...

Je suis arrivé la veille , baladé depuis l'aéroport par un taxi qui me fait faire un immense détour par le pont , au nord , m'expliquant que celui du sud , " le Bosphore " , est fermé pour cause de match , le foot une passion turque ; pipeau bien sûr.

Je loge à Beyoglu , le quartier tout en pente , qui fait l'angle entre la Corne d'or et le détroit du Bosphore.

D'abord un hôtel très confortable , les premières nuits , puis plus rudimentaire mais correct , au dernier étage et très bien éclairé ; je règle chaque matin la nuit suivante en attente de mon programme , évolutif.

Les îles des Princes : j'avais beaucoup lu , jamais visité , constitué d'une dizaine d'îles à une douzaine de kilomètres au sud-est d'Istanbul en ferry.
Le ferry fait quelques haltes sur le chemin ; les détroits et bras de mer sont sillonnés par d' immenses tankers et vraquiers reliant Mer Noire et Méditerranée au milieu desquels naviguent les petits ferries locaux , pratiques , rapides , fréquents , passant en permanence d'une rive à l'autre , d'un continent à l'autre.
C'est juste le début de la saison sur l'île la plus importante , Büyükada , ambiance touristique bon enfant ; du sommet , monastère Grec Saint George , la vue embrasse toute la région méridionale d'Istanbul , les criques en contrebas pourraient être italiennes.
Retour sous la pluie.

En direction du Grand Bazar , Mosquée Bleue et Sainte Sophie , la Sublime Porte est en travaux , photos interdites.
Le Bazar est moderne comparé à Alexandrie , Alep ou au Caire.
La Turquie regorge de brocanteurs et antiquaires ; je reste raisonnable , c'est le début du voyage , je dois garder de la place dans la nacelle de la moto.
Mais bon , je déniche une calligraphie arabe encadrée : les artistes sont formés dans des écoles puis auprès d'un maître. Le vendeur me soutient que le monde arabe ne peut rivaliser avec les Turcs ; j'ai entendu le discours inverse en Egypte.

Les élections ont lieu ce dimanche 14 mai , législatives à un tour , présidentielles avec deux tours.
Les panneaux publicitaires , les stands , les camions sont partout omniprésents.
Les avis sont très clivés , avec toutefois un sentiment de fort rejet d'Erdogan ici à Istanbul.
Tous se plaignent de l'inflation , le prix des oignons , qui a explosé , revient comme une antienne dans la campagne , le lait , lui , est passé en un an de 5 livres à 20 le litre.
Le sort des millions de réfugiés syriens est aussi un marqueur fort. Kemal Kiliçdaroglu , le challenger sans charise s'est engagé à les renvoyer dans leur pays d'origine.
On parle de 3 millions ; ils seraient entre 7 et 10.
Également le tremblement de terre survenu dans le sud est du pays , le non respect des normes de construction , l'arrivée tardive des secours.
Antioche que je voulais visiter serait très largement détruite.
Ailleurs beaucoup d'immeubles en place mais vides de peur d'un effondrement ou de nouvelles secousses ; et ça consolide et reconstruit à tours de bras.
Résultat :
Les scrutins se déroulent dans le calme sous les yeux de policiers calmes.
Erdogan contrôle le parlement
Il est contraint à un deuxième tour présidentiel, le 28 mai , proche des 50.
Je suis convaincu qu'il sera reconduit pour un troisième mandat.

On croise beaucoup d'étrangers installés en Turquie souvent à Istanbul : petits boulots , étudiants , notamment.
Des Iraniens , Russes , Ukrainiens , également des ressortissants des républiques turcophones d'Asie centrale.
Ce sentiment palpable d'un équilibre , d'une forme d'unité entre pays de cette région du monde , Asie occidentale.
Ankara joue un jeu très solitaire et unique , avec Israël , la Libye , la Syrie , le Qatar son allié au Moyen Orient , l'OTAN.
Il vend des drones , pour lesquels il possède un grand savoir faire , à l'Ukraine et discute avec Poutine.
Il menace l'Europe de lui envoyer une partie des réfugiés syriens.
Il joue avec les nerfs suédois au sujet de l'adhésion à l'OTAN.

D'où que l'on se situe à Istanbul , on distingue l'immense et élégante tour de télévision , si galbée.
On voit également la grande mosquée Çamlica à Usküdar , sur la rive asiatique.
Inaugurée en 2019 après 6 ans de travaux , la plus grande du pays , elle possède 6 minarets culminant à plus de 100 mètres chacun et peut accueillir 63 000 visiteurs.
Deux emplacements principaux , la salle de prière et la cour carrée.
J'arrive tôt en taxi , je suis alors le seul visiteur de cet immense ensemble , privilège unique , dans ce lieu immense et solennel.

Pendant ce temps , je dois faire réparer ma moto , neuve , arrivée en camion de Paris , dédouanée près de l'aéroport et dont les vitesses ne passent plus.
J'ai la chance de trouver un atelier près du Bosphore qui détecte vite le point faible et change les disques d'embrayage.
Ainsi prête , je la charge au maximum dans le parking près de l'hôtel.
Il y a beaucoup de place et ça tombe bien , je ne sais pas voyager léger.

La veille du grand départ , je dîne dans la boutique d'un antiquaire brocanteur , feu de cheminée , le temps s'est rafraîchi , rake , légumes et fromages , fruits de saison.
La fille de sa compagne , jolie , accepte des photos dans le magasin ; ça marche , elle pose bien et sait choisir les meilleurs clichés.
Ils parlent tous assez mal anglais mais se servent comme tout le monde des applications de traduction

Le 19 au matin le temps est gris , bientôt pluvieux , la circulation acceptable car c'est un jour férié
513 kms au compteur
Longitude 21 degrés Est
Je franchis le Pont du Bosphore , direction l'Est , plein Est.

On the road
Plus de 400 kms pour cette première étape
Il faut tout apprendre :
 Composer avec les conducteurs Turcs , rapides et proches , très proches
 La conduite sous la pluie , s'habiller imperméable jusqu'aux chaussures , avant que ça ne commence
 Lire la carte sur le téléphone à travers le casque et les lunettes
 S'arrêter assez souvent pour un thé et des confiseries et fruits secs
Protéger les sacs et bagages de l'humidité
...
Et puis les éléments qui comptent :
Temps , pluie , brouillard
Froid
Vent
Revêtement
Sur ce point , le pays est une bonne surprise ; partout ou presque , les routes et autoroutes sont très bonnes et confortables à conduire

Je finis par rejoindre Karabük , immense complexe sidérurgique à l'entrée , puis Safranbolu
Elle est au patrimoine de l'UNESCO à cause de son centre historique , rues escarpées et ses maisons de bois.
Je reste deux nuits dans mon hôtel confortable , vaste chambre en bois , on pourrait être à la montagne.
Le Hammam est moins risqué pour moi qu'à Istanbul , repère des gays très démonstratifs du quartier , moins fréquenté également , mais pas assez chaud à mon goût.
Requinqué après la première étape , je monte plein nord vers Amasra au bord de la Mer Noire.

Amasra est un charmant port de pêche et entend le rester
La ville est lovée autour d'une petite anse , et sa façade est se prolonge au long d'une presqu'île habitée.
Je fais le tour des lieux en bateau promenade.
Le matin , au détour d'une petite rue , un tout petit hôtel , avec une terrasse qui donne sur la mer en contrebas ; petit déjeuner typique turc dans ce lieu idyllique.
Le menu est immuable : fromages , tomates , concombres , pain , olives , thé.
Le propriétaire parle allemand , comme beaucoup ici , émigration oblige ; peu , très peu d'anglais.
Il est charmant et ce sera une des constantes de ce voyage en pays ottoman : sourire , accueil , disponibilité. Les Turcs sont adorables , attentionnés , absolument jamais le moindre sentiment d'insécurité.
Les Turcs d'ailleurs n'habitent plus la Turquie mais la Türkiye , demande d'Erdogan : cela représente mieux la culture , la civilisation et les valeurs de la nation turque.
Et puis ça voulait dire "dinde" en anglais.
Ils rejoignent leurs confrères avec un nouveau nom : Macédoine , Birmanie , Swaziland.

Je décide de longer la route côtière , vers l'est , en direction de Sinop.
Ça monte et descend , très peu fréquenté , on surplombe la mer , quelques paysages féériques , notamment à travers la brume.
Beaucoup de chiens errants et patibulaires , pas de castration ici.
Je m'arrête dans un des nombreux petits chantiers navals qui se sont développés avec la présence dans les montagnes environnantes de forêts et de bois.
Un dizaine de bateaux sont en construction , à l'abri ou à l'extérieur , pêche ou loisirs.
Le chef de chantier qui se déplace à l'étranger parle anglais et me fait visiter deux yachts , 60 pieds chacun , teck et acajou , l 'un doit être fini dans 20 jours , 5 cabines magnifiques , c'est du travail superbe et je comprends pourquoi mon ami d'Harlingen a localisé toute sa production de voiliers , une vingtaine par an , dans le pays.
Ça doit marcher pour ce chantier d'une quinzaine d'employés , à en juger à la Porsche du patron.

Sur la route de Sinop , la pluie et la fatigue mêlées me contraignent à une étape à Inebolu , accueil chaleureux dans le petit hôtel de centre ville , nombreuses maisons de bois ici encore.
Des boulangeries et des coiffeurs partout.
La moto dort dehors sous mes fenêtres , aucun problème de sécurité.

Je rejoins Sinop le lendemain après m'être arrêté en bord de route pour plusieurs thés , offerts par la propriétaire d'un petit bar , photos , échanges avec la traduction du téléphone , Instagram : adorables tout simplement.

Sinon est le point le plus septentrional de la cote Turque de la Mer Noire , face à la Crimée.
En 1923 , Traité de Lausanne , les populations turques et grecques furent échangées.
Le propriétaire d'une petite maison de bois à étages a créé il y a peu un musée Atatürk , reproduisant jusqu'à son bureau.
Il est vénéré unanimement et partout , sa photo dans les magasins , hôtels , bâtiments publics et récupéré par tous les bords politiques.
Il a profondément ancré le pays dans un modernisme laïc et transformé la défaite de 1918 , traité de Sèvres très défavorable , retourné habilement à Lausanne , retour des Ottomans.
Ma chambre , au dernier étage , avec terrasse , donne sur le port de pêche et la vue se prolonge au delà vers l'infini de la mer.
Je me régale avec les mantis , petits raviolis emplis de noix , avec une sauce au beurre chaud et au yaourt.
Originaire du sud de la France et d'Italie au 13 ème siècle , contenant de la rave , d'où son appellation , il a essaimé dans de nombreux pays : pierogi en Pologne , varenyky en Ukraine , maultaschen en Allemagne et puis Géorgie , Russie , Chine , Roumanie , Corée , Japon , Chine...

Je descends plein sud vers la Cappadoce que tous m'ont recommandée.

Sur la route longeant un immense lac , je m'arrête à une maison de pêcheur en piètre état.
Une seule pièce d'où sort un jeune homme ; nous échangeons en franco turc avec les mains et fumons.
Il élève quelques poules et un mouton.
Je demande à voir à l'intérieur.
Il entrouvre ; il y a un homme au fond qui s'incline et se redresse en permanence , je ne vois que le haut de son corps dont il semble manquer la moitié , il referme la porte.
Je m'apprête à repartir.
Il me prend dans ses bras en silence.
Mystères.

Je fais halte deux nuits à Amasya , au bord de la rivière dans une vallée cernée par les montagnes.
Vu d'en haut on admire toute la ville étendue de part et d'autre de l'eau et les nombreux minarets ; je le fais avec une classe de Samsun , plus au nord.
Les jeunes filles , d'une quinzaine d'années , sont enthousiastes et curieuses , accompagnées de leur professeur qu'elles adorent et qui le leur rend.
Je leur explique ma famille et elles se pâment devant les photos des garçons.
Facile.
On est vendredi et les deux hammams que je visite me sont fermés , journée réservée aux femmes.

J'arrive à Kayseri , immense , la veille du second tour
Il est évident qu' Erdogan va l'emporter :
Depuis Istanbul , en allant vers l'est , on sent l'adhésion basculer vers lui.
Le troisième candidat s'est rallié à lui.
L'opposant , Kemal Kiliçdaroglu est à la tête d'une coalition hétéroclite et communique depuis sa cuisine.
Erdogan vante ses réalisations , autos , armée , infrastructures.
Il joue de son expérience et de son autorité.
Le pays , bousculé par l' inflation , l' immigration syrienne , les malheurs du tremblement de terre a connu un développement impressionnant ces 20 dernières années.
Immenses zones industrielles , campagnes cultivées et développées ,
Le problème Kurde reste très sensible.
Et le régime assez autoritaire.
Mais ses 80 millions d'habitants et le pays totalement modernisé sont regardés en Europe avec une condescendance très injuste.
Le soir du 21 donc , c'est la folie dans les rues , klaxons , musique , feux d'artifice , hurlements
Pas de débordements.
J'observe cela dans la rue et tard dans la soirée depuis le dernier étage du Radisson , où je ne loge pas.

A une heure de route , c'est la Cappadoce.

La région cappadocienne , sur le plateau anatolien , s'articule autour de Göreme.
C'est une vaste zône d'aspect crayeux , en fait du tuf , avec des formations géologiques très variées , pitons , cheminées de fée , également des habitations troglodytiques.
Je me promène à pied et en moto d'un site à l'autre , entre les vallées profondes.
Les paysages sont prenants et spectaculaires.
Relativement peu de tourisme encore en ce début de saison , mais on devine au nombre d'hôtels , de restaurants , de locations de quads , que cela doit être très encombré l'été.
Les visiteurs que je rencontre arrivent du monde entier , Chili , Erythrée , Corée et beaucoup d’Européens.

Sur la route qui m'emmène vers l'est en direction d'Erzurum , je double un couple d'allemands de Hambourg , qui voyagent pour plusieurs années en vélo et camping autour du monde : Freiradeln.
Ils sont bien équipés pour affronter ce challenge et nous faisons quelques photos avec leur drone.
Ils avancent vers la Géorgie puis l'Iran avant Oman vraisemblablement.
En les quittant , j'ai un peu honte d'avoir juste à tourner la poignée pour bondir sur la route quand ils pédalent sans relâche.
D'ailleurs la suite l'illustre puisque je franchis deux cols à 2 200 mètres , croise un méchant orage de grêle qui m'oblige à une halte d'une nuit sur le chemin : je suis épuisé , mouillé et transi et file sous la douche chaude de l'hôtel.
Au matin , grand beau et toutes les affaires ont pu sécher.
Après quelques kilomètres , je m'arrête pour photographier des ruches en contrebas laissant le moteur allumé.
J'avance dans le pré et entends ma monture qui dévale le fossé et finit embourbée.
Les gendarmes , " jandarma " , vont m'aider à la tracter et la remonter.
Stupide...

Un peu plus loin à Erzincan , je visite l'énorme campus de l'université multidisciplinaire construite en 2016. C'est assez désert et des étudiants m'expliquent que beaucoup d'entre eux sont allés rejoindre famille et amis dans les zônes des tremblements de terre plus au sud.

Erzurum enfin.
400 000 habitants , au pied des montagnes encore enneigées.
Une partie des femmes sont entièrement voilées
Je trouve un hôtel central et confortable pour trois nuits , l' Esadas.
Je prends mes quartiers au dernier étage du café Central avec vue sur la mosquée et au loin la neige.
Thé et Narguilé
Je rencontre deux étudiantes en architecture d'une vingtaine d'années. L'une porte le foulard , l'autre pas. L'une a déjà eu des amis , l'autre pas.
Cette dernière m'explique l'autorité et le contrôle qu'exerce sur elle et sa vie personnelle son frère aîné.
En souriant , mais sérieusement , elle me montre avec un doigt devant le cou ce qui lui arriverait si elle rencontrait quelqu'un avant le mariage.
Elle se confie à sa mère et ses sœurs et ne dit rien au père ni au frère.
J'ai entendu décrire cette même situation il y a plusieurs mois en Egypte.
Elles rêvent toutes les deux d'un Erasmus en Italie dans quelques années.

J'ai beaucoup à faire en quelques jours , pressing , réparation de vêtements et chaussures , maintenance de la moto.
Avec un peu de chance je découvre un petit atelier tenu par un mécanicien adorable et très compétent.
À peine besoin de lui expliquer quoi et comment , il sait d'emblée ce qu'il doit faire , et comment.
Vidange et réglage des soupapes après 3 000 kilomètres.
Heureusement , pour m'expliquer , avant , je peux compter sur Rémi à Paris qui m'a vendu la moto et Philippe en Corse qui entretenait mon scooter et avec qui j'ai sympathisé ainsi qu'avec son épouse Marie Jo , tous deux voyageurs.
Je quitte l'atelier serein pour quelques pour quelques prochains milliers de kilomètres.
Pas de halte sans hammam , celui-ci est très chaud , réglé pour faire face à l'hiver , très rude ici , j'imagine.
Je me promène et visite mosquées , commerces ; je découvre une belle librairie qui vend tous les classiques de la littérature mondiale en turc bien sûr.

Sur la route qui m'emmène plein nord à Artvin , je croise l'hospitalité et la générosité turque.
Un jeune couple déjeune au bord de la rivière , c'est bucolique à souhait.
Ils m'invitent : dolmas faites maison , un régal , pain au fromage et du thé bien sûr.
Heureusement je viens d'acheter des cerises en route.
Nous partageons ce moment de quiétude simple.

Plus loin , des paysans chargent leur voiture avec la production de la ferme en contrebas.
La soupe aux haricots blancs est en train de bouillir dans une immense bassine , ensuite transvasée dans un grand sac de jute pour que le jus s'écoule.
Du miel bien sûr mais aussi des pommes séchées ; la femme m'en fait goûter , c'est bon , très bon même.
Elle revient avec un énorme sac qu'elle me met dans les bras , refusant absolument que je lui donne la moindre livre !
J'en ai pour plusieurs semaines.

Dans ma liste d'oublis , pour les prochaines étapes , il y a des petits cadeaux pour donner en retour ou spontanément.

Je longe au ras et en surplomb un grand lac plutôt étroit , les eaux sont vertes , presque olive.
Bientôt un troupeau de moutons et chèvres , qui migre , je m'insère au milieu des bêtes , on dirait la publicité Woolmark.

Artvin est dans une vallée très escarpée et profonde.
Je trouve un hôtel à l'écart , de tout en hauteur.
C'est le grand calme face aux montagnes , tout est vert , les voisins travaillent au jardin , on pourrait être dans le Jura ou en Suisse ou dans le Jura suisse.

Sensation confirmée le lendemain , les paysages de montagne continuent , variations de verts , et je fais une belle halte thé WiFi au Black Forest Hotel !
Comme le plus souvent , vide ou peu occupé , la saison tarde à commencer.
La terrasse est idyllique , vue panoramique sur les alpages , ou turcages , et au loin les sommets enneigés.

Plus loin , quelques villages avec des maisons en bois , on sent l'influence géorgienne.
Au détour de la route un grand espace boisé , où ce samedi , les amis et familles viennent pique niquer.
Je rencontre un groupe de professeurs , certains parlent anglais.
Récuremment , on m'interroge sur Erdogan.
Leur salaire est d'environ 750 euros.
Ils se plaignent tous de l'inflation et de la situation économique.
Malgré cela , ils sont enthousiastes et généreux et m'invitent à leur table.
Tout est fait maison , gâteaux au miel , aux pommes...
Certaines , certains sont kurdes
D'autres " turcs et pas kurdes "
Quand je creuse l'incompatibilité déclarée , les réponses ne sont pas claires.
En tout cas , ce grand quart sud-est du pays est la région la plus peuplée de kurdes , également en Irak , Iran et Syrie.
Eux à qui on avait promis après la première guerre mondiale un pays...
On échange les Instagram et on va se suivre tout le voyage.

Ça monte très haut et fort , 3 ème col à 2 200 mètres , la moto est au top , également.
Tout en haut , une famille iranienne fait une pose.
Ils arrivent de Tabriz et se rendent en Géorgie , environ 24 heures.
Ils parlent anglais , connaissent le monde : civilisation magnifique et raffinée sous l 'étouffoir.

Ça redescend aussi fort que ça montait et bientôt , entre les pluies d'orages intermittentes , les plaines vertes et ondulentes à l'infini.
Un peu comme je m'imagine la Mongolie.
À venir.

J'ai appris à me protéger des intempéries :
Un sac est toujours prêt , facilement accessible
Il contient un pantalon de pluie et des protections pour les chaussures.
La veste de motard est fantastique : elle protège du froid et résiste aux pires pluies.
Le métier rentre.

J'atteins Kars en soirée
Lumières d'après orage sur les plaines et bientôt l'immense mosquée toute neuve qui fait face à ma chambre confortable du Konak Hôtel , 25 euros , c'est le tarif quasi systématique.
À ce prix là , je n'ai pas encore déplié la tente.

À Kars beaucoup change

Sur ce plateau d'altitude , il fait très froid l'hiver , - 25 , le lac est complètement gelé , un Baïkal turc.
Les photos montrent des processions religieuses de milliers de personnes sur la glace : très envie de voir ça

Ici c'est un lieu de passage , vers , ou , en provenance de Géorgie et Russie.
Donc pas mal de russes en déplacement ; leur carte Visa fonctionne au pays mais pas à l'international , je les aide avec la mienne.
Des voyageurs également qui arrivent de la Turquie occidentale pour remonter en Géorgie , souvent.
La Turquie et la Russie se parlent et commercent même si Erdogan vend également des drones , grande spécialité locale dirigée par son gendre , à Kiev.
Les Iraniens aussi.

La Géorgie donc à quelques heures de route.
2008 , la Russie s'empare de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie toujours sous son contrôle
Le pays de 4 millions d'habitants est tiraillé entre pro-russes et pro-européens
Jusqu'au gouvernement et bien sûr dans la rue.
Un peu l'Ukraine de 2014.
Poutine appuie le maintien de la proximité , le pays lui est vital pour le lien géographique avec la Turquie : visas supprimés et vols directs rétablis.

Kars , ma voisine à l'hôtel est une présentatrice télé d'Istanbul , venue accompagner son père , très vieillissant , qui visite sa famille.
Laurence Ferrariçu.
Avec un cerveau.

En contrebas du château , des cafés partout , des couples qui jouent et boivent du thé et le soir un restaurant tenu par des femmes , cuisine locale sous influence géorgienne , riz et légumes en sauce et , enfin , du vin rouge.
La grande salle est très coquette avec , aux murs , des collections de théières , conserves de légumes et confitures.

Depuis Istanbul , on m'a recommandé de goûter le fromage local.
Comme des petites roues de Cantal , également un cousin du Gruyère et un cousin également du Parmesan enrobé dans du tissu.
Un régal , des régals.
Boutiques partout , on y vend toujours du miel également.
Je fais visiter à Susan une voyageuse berlinoise qui part pour la Géorgie et nous faisons des provisions tous les deux.

À 45 kms , par la route rectiligne , c'est Ani.
Ancienne capitale de l'Arménie il y a un millier d'années , 100 000 habitants , aujourd'hui beaucoup de ruines , patrimoine de l'UNESCO.
Nous sommes juste en face de l'Arménie , séparés par une rivière au fond des gorges.
Drapeaux géants de chaque côté et miradors.
Les frontières terrestres sont fermées entre les deux pays qui se détestent cordialement.
1916 : génocide d' 1.2 millions d'Arméniens , déportations vers la région d'Alep
Ankara se refuse à reconnaître l'évidence de l'horreur.
Quelques murs d'enceinte , églises de type Arménien , une mosquée , l'ensemble au milieu de cette campagne printanière ; c'est prenant.
l'Europe cofinance les travaux de réhabilitation.
À partir du début du deuxième millénaire , tout va progressivement disparaître , le statut de capitale au profit d'Erevan , tremblements de terre et invasions perses , kurdes , moghols.

L'après midi de ce lundi 5 juin , je descends des plateaux orientaux , la chaleur enfin après des semaines de temps variable
Première journée sans pluie et orage.

En approchant Igdir , ma destination , le Mont Ararat au loin.
Le grand , pas le petit
Mai 2003 , 20 ans exactement , je l'avais vu , lui et son frère , depuis Erevan

Avant d'arriver à Igdir , je m'arrête et emprunte un chemin de terre pour rejoindre un couple qui , sur un petit lopin de terre , exploite une centaine de ruches.
Il prépare chacune d'elle en insérant 8 plateaux auparavant recouverts d'une toile jaune rigide.
Nous prenons le thé sur une petite table au soleil , accompagné de noisettes grillées et de miel , ambré , délicieux.

Je loge en plein centre d'Igdir et prends mes quartiers au Granada , cafétéria restaurant face à la mosquée principale.
Pressing , réparation de mon sac à dos , achat d'un entonnoir pour l'huile : tout avance bien , je pars dans l' après midi pour rejoindre Dogubayazit , une heure de route , en contournant par l'ouest le Mont Ararat , 5 137 mètres , enneigé , ennuagé.
Les Turcs l'appellent Agri Dagi.
Dogubayazit , c'est surtout l'Ishak Pasa Palace , perché au pied des montagnes à l'extérieur de la ville , 18 ème siècle.
Vue sur la ville en contrebas et au loin sur toute la plaine qui entoure le Mont Ararat.
Le Palais le plus spectaculaire est construit le long des montagnes , plusieurs tours rondes et ocres , bien conservées.

Au retour Hammam et sauna , plus moderne que les précédents.
J'y retournerai le lendemain en fin d'après-midi.
Auparavant je file sur les routes rectilignes vers le poste frontière entre la Turquie et l' Azerbaïdjan , Nakhchivan.
C'est une enclave azérie en Arménie.
À la douane , les Turcs m'expliquent que l"accès est réservé à leurs concitoyens et aux azéris.
Je rebrousse chemin et relonge les frères Ararat par l'est.
160 kms aller retour.

La moto marche bien , elle aime l 'huile et je lui fournis tous les 3 / 400 kms sa dose , de peur de la froisser.
Je maîtrise les vitesses sauf la marche arrière.

Deuxième hammam en fin d'après midi
Et préparation pour le départ du lendemain , direction Van.

J'obtiens quelques jours plus tard une explication plus complète pour l'Azerbaïdjan : depuis le Covid , les frontières terrestres de la totalité du pays sont fermées aux étrangers , l'enclave et le pays principal également sauf donc pour les Turcs ici. Pour entrer , seule solution l'avion et mettre la moto dans un camion azerbaïdjanais...
Je rejoins l'immense lac Van , 3 755 km2 , plus grand de Turquie.
Des groupes familiaux de kurdes travaillent dans les champs , c'est rude , planter , ramasser , poser les tuyaux d'irrigation ; personne ne se plaint , je suis toujours accueilli , thé bien sûr , repas et photos , pas d'anglais.
Beaucoup de femmes et de jeunes femmes , quelques hommes , ça se chamaille et rit , comme pour échapper à la rigueur du travail , pour quelques dizaines de livres , j'imagine.
Van , à l'extrémité Est du lac , immense métropole , construction d'immeubles collectifs de logements , j'en aurai vu des milliers , architecture colorée , comme j'aurai vu des dizaines de zônes universitaires toutes neuves , toujours avec une mosquée.
Des mosquées neuves , beaucoup , très imposantes.
Les routes et les autoroutes gratuites sont meilleures qu'en France.
Les zônes industrielles à la périphérie des villes moyennes et grandes s'enchaînent.
Aéroports , écoles , hôpitaux , tunnels , ponts , tout ceci il a fallu le financer , la livre a été mise à rude épreuve , aujourd'hui , taux d'intérêt élevés , inflation , monnaie qui dérape : le prix de ce colossal effort pour moderniser le pays en 20 ans.
Fallait il faire tant et si vite ?
Le résultat est là.
Indéniable.
Les marchés scrutent les déficits
Erdogan a musclé son équipe financière d'après élection.

À Van , soirée narghilé , orchestre.
De temps en temps , une grande partie de la salle se lève , sur un air connu et entendu.
Ils se prennent par la main et forment une grande chaîne qui avance , quelques pas d'avant en arrière ; un jeu de séduction également , mais bien caché.

Van est réputée pour ses petits déjeuners.
Dans une rue piétonne , à quelques pas de l'hôtel , on me sert le traditionnel repas : olives , fromages , tomates , miel , confitures , yaourt , concombres , oeufs , pain , plus quelques nouveaux plats dont un dessert onctueux au goût praliné.
Pour quelques euros.
La vie est abordable pour nous en Turquie , les dévaluations successives y participant.

La route pour rejoindre Tatvan , à l'extrémité ouest du lac , quelques 100 kms plus loin longe le plus souvent la rive , restaurants , hôtels , parcs de jeux : encore un peu tôt pour être très occupés mais j'imagine l'été. Il y a également un bâteau qui relie les deux villes.

Je m'arrête encore pour rencontrer les travailleurs kurdes des champs , ils m'installent , en pleine campagne , dans un fauteuil qui a dû être club et m'offrent de partager leur déjeuner , riz , légumes , sauce , quelques morceaux de viande : c'est bon , très bon.
Beaucoup de photos.
Ils acceptent , presque tous , sauf quelques femmes.
Les hommes et enfants sur la moto, comme si souvent.

Tatvan est plus petite , 100 000 habitants contre 300 000 pour Van.
Un immense boulevard traverse la ville , pas très loin du volcan Nemrut Dagi , 3 150 mètres.
Avant d'y monter , en moto , arrêt dans une boulangerie : tout le monde attend les pains chauds de forme ovale , ils sont 4 à s'affairer pour le préparer , pâte comprise.
Ils font également le " kélor " qu'ils décrivent comme la pizza kurde.
C'est un chausson en pâte à pain avec des tomates , des herbes , du fromage , assez épicé mais régalant quand ils me l'offrent au sortir du four avec un thé.
Ils font une pose , il est dix heures , pain chaud bien sûr et tous les plats traditionnels : je suis convié.
Comme partout
Comme toujours
Hospitalité turque , kurde.
Ils refusent que je règle quoi que ce soit et refusent le paquet de cigarettes que je leur propose.

Ça monte fort pour rejoindre l'immense cratère du volcan , 7 X 8 kms.
Vue époustouflante sur le lac Van et les montagnes environnantes.
Au fond , 3 lacs , grand , moyen , petit.
Au bord du moyen , je rencontre Vincent et Cécile de Neuchâtel qui voyagent vers l'Est avec leur van Mercedes aménagé par lui.
Ils sont des sportifs impressionnants : ski , VTT , parapente , voile , plongée.
Il a tout conçu et construit dans le véhicule pour leur année sabbatique qui les emmènera jusqu'en Iran.
Emplacements pour les vélos et matériel de parapente , lit , table , cuisine , rangements innombrables.
Ils sont autonomes en chaud , électricité , filtrage d'eau : moteurs et panneaux solaires notamment
C'est très impressionnant et , au fond , c'est cela qui rend leur voyage plus confortable : se poser le moins de questions possibles sur ces basiques dont nous disposons à la maison , un peu comme sur un bateau.
Si l'eau ou le chaud deviennent des contraintes , cela empiète sur la tranquillité et la sérénité du voyage et ça peut devenir obsessionnel.
Nous passons un bon moment à échanger autour d'un repas kurde offert , bien sûr.
Ils sont là pour voir l'ours.
Il loge en haut du cratère , descend à la tombée de la nuit quand c'est plus calme.
Ils l'ont vu la veille , fourrure clair devant , très très gros , photos et vidéo impressionnantes.
Ce soir ils le verront avec son petit , la mère donc.

Long trajet de 300 kms pour rallier Mardin plein sud.
Je quitte le plateau anatolien et sa fraîcheur.
En bas c'est l'étuve qui commence.
Je dois m'arrêter plusieurs fois pour me rafraîchir en mouillant intégralement mon t-shirt qui sèche en quelques minutes avec la vitesse du vent : court répit.

Mardin , c'est un joyau , unique.

J'y arrive dimanche après midi.
Il fait chaud et il y a beaucoup de monde en ce jour de repos
La rue principale , 1 Cadde , dans la vieille ville est embouteillée.
Je suis fatigué et les hôtels sont nettement plus chers que ce que j'ai connu jusqu'alors.
Bonne pioche finalement : plein centre , accueil enthousiaste , confort et surtout une vue magnifique sur la plaine à l'infini , au sud , rapidement la Syrie.
Mardin est située sur un versant de montagne dominé par la citadelle.
En contrebas un entrelac de ruelles et d' escaliers situés de part et d'autre de la grande rue commerçante.
La pierre est claire partout et de nombreux immeubles de quelques étages ont un toit terrasse avec cette vue sur la plaine déjà sèche et brûlée par la chaleur du printemps qui ressemble à notre été.
Ces toits sont souvent occupés par des cafés , en fin de journée et le soir puis tard dans la nuit , je m'attarde au gré des rencontres , thé , palabres ; la plaine laisse désormais voir les nombreux villages et leurs illuminations nocturnes oranges , la Turquie au début puis très vite la Syrie.
Peu de mouvements autour de la mi journée mais je visite le matin et à partir de la fin d'après midi.
Lauriers , figuiers , néfliers , portes anciennes , à la dérobée , boutiques de savons , vêtements , souvenirs , bijouteries , artisanat , coiffeurs , vin , cafés.
C'est à la fois fait pour les visiteurs et pour les locaux , il se dégage un charme très fort.
Bazar , mosquées , églises , madrasas , palais , écoles , monastères , musées...
Ici les musulmans et les assyriens , chrétiens d'Orient , cohabitent.
Les assyriens sont 1.5 millions dans le monde. En Turquie , Irak , Iran et Syrie ils représentent environ la moitié de la communauté mondiale.
Ils sont principalement catholiques et orthodoxes.
Ils ont été exterminés , ici , en grand nombre à partir de 1915 , accusés de pactiser avec les ennemis , Russie , France , Royaume-Uni.
Comme les Arméniens , tués et , ou déportés vers la région d'Alep.

J'essaie depuis mon arrivée en Turquie , il y a plus d'un mois , de comprendre , d'esquisser la compréhension de la question Kurde , singulièrement depuis que j'ai rejoint l'Anatolie orientale.

Partout dans la région , à ma question :
" Vous êtes Turc ? "
Immanquablement , systématiquement , on me répond :
" Non , je suis Kurde "
On veut bien concéder que l'on est citoyen , que l'on a un passeport Turc.
Mais rien de plus en direction d’Ankara.

Les Kurdes vivent dans 4 pays :
Syrie
Irak
Iran
Turquie où ils représenteraient , les chiffres divergent , 12 millions de personnes , disons 15 à 20 % de la population.
Ce qui représente également environ la moitié des Kurdes des 4 pays du Moyen-Orient.
Le Traité de Sèvres en 1920 leur promettait un pays
3 ans plus tard à Lausanne la promesse disparut
En Irak , ils vivent dans le nord du pays , zône hautement pétrolifère.

En Turquie , ils vivent dans un grand quart Sud Est et , en général , dans des conditions économiques plus difficiles.

Ils sont majoritairement musulmans , sunnites.

Ils parlent 7 dialectes , avec une compréhension d'environ la moitié des discussions des uns par les autres.
Ces dialectes sont influencés par la proximité géographique et donc linguistique dans chacun des 4 pays : turc , arabe , farsi.

Le concept nationaliste turc est très puissant , appuyé sur la religion , l'autorité , l'armée , l'unité.
Tout ce qui en détourne est dénoncé et combattu et notamment " la kurdité " ou " le kurdisme "
Les années 80 90 ont connu de fortes tensions , également 2016 avec la tentative manquée de coup d'état contre le régime d'Erdogan.
Ces événements furent propices à des arrestations , procès , incarcérations en lien avec toutes tentatives supposées ou réelles d'opposition et de contestation.
Au premier rang desquels les Kurdes.
Une professeure d'Université , en pointe dans ces questions , estime qu'il y a aujourd'hui de l'ordre de 200 000 prisonniers politiques dont 70 000 étudiants.
La face sombre du régime.
On peut être arrêté et emprisonné pour un simple tweet.
Selahattim Demirtas , leader d'opposition charismatique , Kurde branche Zaza , député de 50 ans est emprisonné depuis 2016. Il aurait promis de renoncer à la politique.

Tous ceux rencontrés
Sans exception aucune
Se disent Kurdes et non Turcs

Erdogan ce jour en visite à Bakou chez son ami Aliev.
Premier déplacement depuis sa réélection.
Il est présent sur tellement de dossiers internationaux :
Libye
Gaz en Méditerranée
Syrie , y compris les réfugiés
Eau vers l'Irak
Russie
Ukraine
OTAN y compris la question Suédoise
Europe et réfugiés
Qatar
Israël

À chaque fois , il est exigeant , rude voire rugueux , inflexible. La population , majoritairement , respecte et apprécie.

Il n'y a plus d'Empire Ottoman depuis 1920 , mais il y a une Turquie forte et largement incontournable.

Je quitte le matin Mardin
À regret
Cette ville m'a régalé
Au delà de toutes mes attentes
Site unique , population , ambiance...
Il fait déjà chaud , encore plus dans la plaine que je traverse pour rejoindre la frontière irakienne.
"Le soleil darde ses rayons et la campagne est comme écrasée par la chaleur moyen orientale"
...

La saison a un mois d'avance sur nos contrées , on moissonne déjà , assez mécanisé.

On m'a bien prévenu y compris un motard de Mardin :
Tu n'arriveras pas à passer en Irak avec ta moto , elles y sont interdites d'entrée
Je m'assure avant de partir des services d'un contact qui travaille à la douane grâce à l'aide du manager de l'hôtel.

Sortie de Turquie au milieu des camions chargés de bétail , tout se passe bien après avoir payé une amende , excès de vitesse sur une route turque.

De l'autre côté , après la traversée du pont , je ne suis pas en Irak , je suis au Kurdistan irakien.
Je fais un visa en ligne
L'application marche bien
Puis 3 bureaux de suite pour la moto , papiers , tampons , 100 $ au total , officiel , aucun bakchich.

En un peu plus d'une heure c'est fait

Parfait
J'ai quitté la Turquie
Je suis au Kurdistan irakien
Comme un miracle kurde

Je viens de passer plus de 5 semaines en Turquie
4 200 kms
d'Istanbul à l'extrémité orientale de l'Anatolie
Du ciel gris , des pluies orageuses à la chaleur du Moyen Orient
Du vert humide au jaune clair de la sécheresse
Paysages magnifiques
De la Mer Noire à la frontière syrienne
J'ai manqué , entre autres , tout le quart sud ouest méditerranéen et Ankara
Tout au long , j'ai rencontré des Turcs toujours curieux et été accueilli avec chaleur et générosité
J'ai mangé délicieusement
J'ai traversé un pays modernisé , jusqu'aux zônes les plus reculées:
textile , armement , drones , automobile , logistique , agriculture , universités , hôpitaux , infrastructures , films , et le sens inné du commerce.
Atatürk est adulé , partout.
Je n'ai jamais ressenti le moindre contrôle , j'ai montré mon passeport une seule fois sur la route
J'ai assisté à Istanbul puis Erzurum au résultat des élections , voyant la reconduction au pouvoir pour 5 ans de Recip Erdogan
Contre les pronostics
Avec l'aide d'un opposant sans charisme , à la tête d'une alliance politique invraisemblable et non crédible
Une partie du pays a fêté toute la nuit , en contrôle , sans aucun débordement.
J'ai échangé longuement sur la question Kurde.
Le contrôle de l'opposition est manifeste.
La frustration des villes et des élites également.
Les méthodes de muselage ne sont pas acceptables.
La religion musulmane est un fait historique et culturel fort et dominant , dans un pays laïc , mais non oppressif dans la vie quotidienne et l'espace public
L'économie souffre des conséquences monétaires des efforts d'investissement colossaux de 20 ans pour faire sortir le pays d'une situation attardée.
Le Président veut redonner la puissance ottomane , le rayonnement et le respect international , les territoires en moins.
Le centenaire de la République aura lieu cette année , discours à suivre attentivement.
Beaucoup repose sur la personnalité d'Erdogan , son autorité à l'intérieur et le respect qu'il force sur la scène internationale.
Les Turcs sont fiers de leur pays.
Et certainement nostalgique de la puissance ottomane contrôlant la Méditerranée orientale , au sens large.

J'ai roulé sans encombres sur ma moto.
Je lui dois beaucoup.
Elle n'a jamais fait défaut.
Elle est confortable , logeable , fiable.
Je lui donne toute l'huile qu'elle réclame avec exagération , chacun a ses petits péchés.

Vive la Turquie
Yasasin Türkiye

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